Quand l’aube chasse la nuit
Lors de l’exposition des mille et une nuits à l’institut du monde arabe, voici ce que Ferial Ghazoul nous dit de Shahrâzâd :"Il faudrait parler de Shahrâzâd au pluriel, ou d’une " Shahrâzâd plurielle", car elle est une et multiple. Toutes les variantes, traductions, adaptations et réappropriation des Mille et une nuits donnent l’image d’une héroïne qui entreprend à ses risques et périls de s’offrir à un roi despotique - un serial killer - et de raconter des histoires qui vont reporter indéfiniment sa décapitation ; en même temps, cette héroïne a de multiples visages, et elle est perçue différemment par les lecteurs, les critiques, les artistes et les écrivains : "A chacun sa Shahrâzâd", pourrait-on dire. Elle est séduisante et intelligente, aventurière et rationnelle, impuissante et forte, soumise et dominatrice, féministe et antiféministe. Dans les manuscrits arabes, elle est décrite en quelques lignes, et cette approche minimaliste du personnage laisse une très grande part à l’imagination, favorisant les projections les plus diverses, de l’image du harem oriental à celle de la résistance progressiste."
Cette analyse du personnage de Shahrâzâd peut nous surprendre. Mais, lorsque nous plongeons dans l’univers des nuits, on comprend mieux cette approche. Shahrâzâd, nous échappe, nous dérange, nous provoque.
"On raconte, Sire, ô Roi bienheureux...", c’est ainsi qu’elle prend la parole la première nuit des nuits et les suivantes. "Mais l’aube venait prendre Shahrâzâd, parler n’était plus permis : elle se tut."
"Quand l’aube chasse la nuit", ne nous donne qu’un aperçu des nuits, mais suffisamment pour toucher du doigt les paradoxes de cette femme. Ce spectacle nous donne aussi à voir la richesse de l’imaginaire des mille et une nuits : un véritable voyage en Orient...
